mercredi 20 février 2008

La politique

La politique est un sujet chaud chaud chaud ici. Dans le nord de Téhéran l’écrasante majorité me disait de ne pas avoir la moindre intention d’aller voter. Ni pour les élections parlementaires, ni pour les présidentielles de l’année prochaine. Pourquoi ? Ben selon eux cela ne change de toute façon absolument rien. La politique est un jeu et la population n’y aurait qu’un rôle très secondaire. Pour eux les élections ne servent qu’à légitimer le régime et duper le peuple. L’élection du président réformateur libéral Khatami en 1997 et sa réélection en 2001 n’auraient été que l’énième épisode de cette pièce de théâtre. Puis après la relative liberté donnée par Khatami, le régime aurait décidé de resserrer l’étau en promouvant Ahmadinejad…

Je comprends cette perception, surtout quand on ne se contente que de la chute pure et simple du système en place…mais le problème de cette théorie du complot est qu’elle passe sous silence les nombreuses contradictions à l’intérieur du régime. Ainsi en 1997 Khatami n’était pas le candidat des conservateurs (qui préféraient un conservateur d’extrême-droite Nateq-Nouri) et en 2005 l’élection d’Ahmadinejad a surpris les nombreux partisans de l’influent ex-président Rafsandjani. Khatami a été élu avec le soutien de la « société civile » contre l’establishment conservateur, Ahmadinejad avec les réseaux des Gardiens de la Révolution qui s’opposaient à certaines politiques de ces prédécesseurs. Puis la vie sous Khatami ou sous Ahmadinejad c’est tt de même pas pareil !

L’Iran est un pays pour celui qui aime les contradictions. Qqu’un me racontait comment sous Khatami, président de 97 à 05, beaucoup de nouveaux journaux souvent critiques étaient publiés et circulaient assez librement dans la société, une conséquence de la politique de libéralisation culturelle de Khatami. Mais des forces à l’intérieur du régime s’opposaient farouchement à cette ouverture et vu que ces forces contrôlaient entre autres la police et les tribunaux, les journalistes critiques et leurs publications se faisaient souvent arrêter et condamner. Ainsi une situation paradoxale se créait : d’une part il était plus facile de commencer un journal, d’écrire et de faire circuler des textes critiques, mais d’autre part on risquait toujours la prison. On voyait donc émerger une situation avec plus de publications critiques et plus de journalistes condamnés. Mais pendant que leurs auteurs se trouvaient en prison, les textes « condamnés » circulaient bel et bien. Souvent ces journalistes étaient ensuite libérés, reprenaient leur travail, éventuellement pour se faire recondamner après. Certes, de cette manière le nombre de journalistes emprisonnés était assez important, ce qui fournit toujours de belles statistiques à Amnesty, mais cela ne signifie en rien que l’Iran peut être comparé à d’autres pays de la région, alliés de l’Occident, où la publication d’un journal critique est tout simplement impossible.

Je sais je sais c’est du compliqué…mais je vous promets : c’est pas de ma faute :-)

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