dimanche 24 août 2008

La Loi, La Dérogation

Pendant que j’écoute le premier cd de Louise Attaque, probablement leur meilleur, je regarde les lumières d’Isfahan de mon balcon et je repense à mon ami étudiant avec lequel je viens d’avoir une discussion intéressante… Je vous en parlais il y a quelques posts, c’est le gars qui travaillait dans un institut de langues même si selon son visa étudiant il n’y avait pas droit. J’y reviens pcq cette affaire vous dira bcp plus sur la culture iranienne que mille photos de Persepolis.

Ayant nié tout en bloc quand on l’a appelé à ce sujet, il a récemment rappelé le gars qui l’avait interpelé (via moi), en lui disant que bon « vu son grand respect pour la loi iranienne, il n’y avait jamais songé avant, mais grâce à l’avertissement inutile de la semaine dernière, il se demandait s’il n’y avait pas moyen de fréquenter un institut du genre, non pas comme ‘salarié’ mais comme ‘volontaire’… ». La réponse était surprenante : « Ben écoutez, si vous m’écrivez une lettre en demandant la permission formelle, cela peut probablement se faire en quelques jours… ». Etrange loi à laquelle on peut déroger ad hoc à condition d’écrire une lettre et d’y mettre les formes. Ca fait penser à l’affaire de Chris de Burgh. Vous vous rappelez : il était censé devenir le premier chanteur occidental faisant un concert en Iran après la révolution, mais apparemment il n’a pas demandé la permission aux bonnes personnes de la bonne manière… le concert semble donc annulé jusqu’au moment où Chris trouvera la bonne personne et écrira la bonne lettre…

Mais l’affaire de mon ami étudiant devenait plus intéressante encore, quelqu’un d’autre a interpelé mon ami en lui demandant : « mais si tu veux vraiment enseigner, pourquoi as-tu refusé la proposition généreuse du ‘hoze’ ? ». Un ‘hoze’ est une école de formation cléricale, il y a quelque temps ils étaient venus au bureau de coopération internationale pour recruter des étudiants étrangers comme enseignants de langue. Vu que ces petits soldats de la religion se préparent à propager la religion islamique aux 4 coins du monde, ils doivent évidemment parler la langue… Ainsi ils s’intéressent surtout au chinois, à l’espagnol (Amérique latine), au français (Afrique) et bien entendu à l’anglais…Mon ami avait gentiment refusé à cause « d’un manque de temps ». La loi iranienne est donc encore plus drôle de ce que je pensais… non seulement il est possible d’obtenir des dérogations, mais en plus elle ne vaut pas pour ceux qui veulent assister les écoles religieuses !!!

« Ah », avait réagi le réceptionniste quand je lui parlais de l’affaire, « c’est donc le hoze qui a dénoncé ton ami auprès des autorités ». Effectivement depuis quelques jours mon ami se tracassait sur « comment est-ce que mon travail privé dans un institut privé est arrivé aux oreilles des autorités ? » L’institut n’avait rien dit, lui-même non plus… Les réactions des Iraniens étaient intéressantes. Certains affirmaient : « c’est certainement un de ses collègues ». Apparemment la jalousie est assez développée ici, tout comme la culture de la dénonciation. Je me rappelle un ami qui se plaignait de son voisin qui appelait la police dès qu’il avait un invité, en affirmant que son voisin servait de l’alcool etc… Des mensonges, mais qui lui causaient pas mal d’emmerdes… D’autres affirmaient : « ben écoute, c’est pas difficile, le service de renseignement iranien est fort, le gars est étranger donc il est certainement sous observation », quelqu’un affirmait même que le gsm de mon ami serait sous écoute… On ne le saura jamais, mais cela vous donne un aperçu du climat de suspicion qui règne ici… La différence entre le comportement privé et public des Iraniens y trouve une cause non-négligeable, mais cela est un autre sujet… j’y reviendrai un de ces jours…

Aucun commentaire: